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De l'évaluation de la lucidité du gardé à vue lors de la notification de ses droits

De l'évaluation de la lucidité du gardé à vue lors de la notification de ses droits

Publié le : 15/10/2017 15 octobre oct. 10 2017

La problématique n'est pas nouvelle, mais deux arrêts du 21 juin 2017 apportent une bonne illustration.

Dans le premier (16-83599), c'est d'une notification tardive dont se plaignait le mis en cause. En effet, placé en garde à vue à 21h35 avec un taux de 0,75 mg, il voyait une première fois la notification de ses droits différée; puis une seconde fois à 3h50, où son taux était mesuré à 0,22 mg. Insuffisant selon la Cour de cassation. Il y a peut-être certains taux qui se suffiraient à eux-mêmes - j'ai en mémoire des clients qui s'appliquent à exploser les records - mais descendu à un certain niveau, et sans qu'elle souhaite le chiffrer pour se laisser une certaine marge de manœuvre, la justice ne s'en contente pas et souhaite d'autres éléments pour s'assurer "que ces degrés d'alcoolémie ont privé l'intéressé de la lucidité suffisante pour s'entendre notifier les droits", comme l'indique l'arrêt en question.

L'intention est noble. Ceci dit, une fois de plus, un certain formalisme risque de suffire à y mettre fin.

En effet, dans l'autre arrêt (16-84158), c'est d'une notification précipitée, cette fois, dont se plaignait le mis en cause (ces justiciables ne sont décidément jamais contents), et il n'a pas fallu grand chose aux enquêteurs pour justifier de la lucidité présumée du gardé à vue, afin d'estimer la notification comme régulière.

Dans le détail, précisons que ce n'est pas dans un de ces nombreux dossiers de conduite en état alcoolique que se posait la question de son ébriété, mais à propos d'une infraction d'agression sexuelle sur un employé d'hôtel - on sait maintenant que cela arrive, il y a des précédents illustres. La notification de ses droits avait été différée une première fois, en raison d'un taux de 0,73 mg mesuré à 22h40 - donc pour l'instant on retrouve une situation proche de l'arrêt précédent. Là où cela commence à être autre chose, c'est qu'il est noté ensuite une exhibition sexuelle dans sa cellule de garde à vue. Pour ma part, je considère que l'état de propreté de ces cellules ne mérite pas autre chose, mais plus sérieusement, soit on considère, en le mettant dans une de ces catégories simples dont l'accusation raffole, qu'il est très porté sur la question, soit que, et même si ces penchants existent en lui, l'alcool joue un rôle pour les faire ressortir, si je puis me permettre ce terme.

Dans ces conditions, on peut discuter le fait qu'à 2h45, la notification de ses droits soit effectuée, et validée par la Cour de cassation, au motif que l'OPJ aurait constaté « de visu et par un questionnement simple qu'il paraît avoir retrouvé sa lucidité » et qu'on peut "supposer qu'après 4 heures de dégrisement, son taux d'alcoolémie ait suffisamment baissé pour qu'il soit en mesure de comprendre qu'il était placé en garde à vue, durant laquelle il a toujours refusé l'assistance d'un avocat". Il y a plusieurs choses discutables là dedans : que le constat, reposant sur la seule sincérité de l'enquêteur, ne soit pas accompagné d'une mesure; que les scènes décrites ci-dessus ne soient pas prises en compte; que 4h soient jugées ici suffisantes; et, éventuellement, que cela se soit fait sans avocat.

Comme le dit tout simplement dans sa chronique (Droit penal n°9, septembre 2017), M Vincent LESCOUS, procureur de la République de Versailles, surtout à propos du 1er arrêt, "il est donc prudent pour les enquêteurs d'assortir la mesure du taux de précisions établissant l'impossibilité d'une notification". De là à ce que cette prudence suffise...

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