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Le Juge aux affaires familiales doit... travailler avant de décider de transférer un bien immobilier d'un époux à l'autre à titre de prestation compensatoire

Le Juge aux affaires familiales doit... travailler avant de décider de transférer un bien immobilier d'un époux à l'autre à titre de prestation compensatoire

Publié le : 15/10/2014 15 octobre oct. 10 2014

La CEDH exige que le juge vérifie d'abord si la prestation compensatoire peut être acquittée par d'autres moyens, avant d'y aller ainsi "en force".

Et des moyens, il y en avait. L'arrêt de la Cour de Strasbourg (10 juillet 2014, n° 4944/11)  note bien qu' "il ressort des différentes décisions des juges du fond, particulièrement motivées sur ce point, que le requérant disposait d’un patrimoine substantiel..., ce qui aurait pu lui permettre de s’acquitter de sa dette par le versement d’une somme d’argent" (§ 51).
 
Pourtant, le Conseil constitutionnel avait prévenu les juges français, en assortissant son examen de la validité de l'alinéa 2 de l'article 274 du Code civil (qui leur donne donc ce pouvoir d'ordonner que la prestation compensatoire soit payée par attribution forcée d'un bien immobilier) d'une réserve d'interprétation, les invitant à n'utiliser ledit pouvoir que de façon subsidiaire, c'est-à-dire lorsque la prestation ne peut être payée par le moyen prévu au 1er alinéa de cet article, c'est-à-dire tout simplement "une somme d'argent". On fera remarquer qu'on est également censé être propriétaire de son argent, mais c'est vrai que c'est a priori encore plus perturbateur de voir partir une maison familiale que son équivalent en liquidités, du moins quand on en a assez.
 
En l'espèce, c'était bien le domicile familial, appartenant en propre à l'époux, et que l'épouse avait estimé devant le premier juge à 610.000 €. Classiquement, les époux étaient en désaccord, et même de beaucoup, sur cette estimation, l'époux la fixant à 228.000 € dans sa déclaration sur l'honneur. "Vraisemblablement soucieux de prendre le mari au mot, comme le note malicieusement Nicolas Régis (AJ Famille, septembre 2014, p 497), " le juge de première instance fit droit à la demande de l'épouse, fixa le montant de la prestation compensatoire à la somme de 228.000 € et ordonna le transfert forcé de la propriété de la villa". Certes, théoriquement, ça n'a pas influencé l'ordre de grandeur du montant, que le juge avait probablement l'intention de fixer dans ces eaux là, mais la modalité de paiement, oui.
 
Il en est allé autrement devant la première Cour d'appel, qui a réduit légèrement le montant à 200.000 €, sans modalité particulière de paiement. Si les choses en étaient resté là, l'affaire n'aurait donc pas donné lieu à l'arrêt de la CEDH ici commenté.
 
Mais il ne pouvait en être ainsi, l'épouse étant mécontente du montant, et pas seulement parce qu'il passait de 228 à 200 K€, mais parce qu'elle, pour sa part, demandait plus d'un million.
 
Cela valait donc bien un pourvoi, formé avec succès, bien que sur une autre question (néanmoins importante aussi : la qualification erronée de bien indivis donnée à la villa en cause).
 
Et devant la Cour d'appel de renvoi, elle a porté son estimation de la villa à 800.000 €, et sa demande de prestation compensatoire totale à 1,6 millions.
 
Tout ça pour que la Cour d'appel de renvoi décide comme le premier juge : 228.000 € payés sous forme de transfert de propriété de la villa.
 
C'est alors l'époux qui a saisi la CJUE, pour le destin que l'on sait.

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