Du risque de « trop bien » négocier en CRPC avec le Procureur

Du risque de « trop bien » négocier en CRPC avec le Procureur

Publié le : 21/10/2013 21 octobre oct. 10 2013

Quand le juge homologateur rappelle qu’il n’est pas une caisse enregistreuse.


On le sait, la CRPC comporte deux phases, qui rythment la demi-journée consacrée à cette procédure (ou journée, selon le tribunal concerné).

Par exemple, à Bobigny, en première partie de matinée, c’est le moment de l’entretien avec le Procureur. Les justiciables, accompagnés de leur avocat, défilent les uns après les autres dans la petite salle.

Ensuite, en fin de matinée, tout le monde se réunira dans la salle d’audience pour la phase d’homologation. Ou pas.

Retournons à la première phase.

Mon client et moi nous y sommes montrés particulièrement efficaces.

Il faut dire que nous avons eu un temps inhabituel pour nous exprimer (5 à 10 mn), dans cette procédure où, d’habitude, en 2 mn, le Procureur fait une brève morale, propose sa peine, entend un bref gémissement de l’avocat, parfois amende à la marge sa proposition, le plus souvent répond plutôt que c’est à prendre ou à laisser, en suite de quoi, après un regard échangé avec son client, l’avocat dit oui ou non.

Là, non, nous avons pu livrer de véritables explications. Il est vrai aussi que le dossier s’y prêtait. On n’était pas dans le vol de portable à l’arrachée ou l’infraction routière qui tient en 20 pages, mais dans une infraction « économique » d’une centaine de pages parfois techniques, ici importation de compléments alimentaires considérés comme médicaments sans avoir obtenu l’autorisation nécessaire. Un type de dossier qu’on retrouve plutôt en procédure « classique », afin d’avoir tout le temps d’en parler. Le Procureur présent à l’audience – et qui n’était manifestement pas celui qui avait décidé d’orienter quelques semaines auparavant ce dossier vers la CRPC – l’a bien compris, a trouvé le choix de son collègue précédent curieux, et a donc pris autant de temps que possible dans ce type d’audience qui n’en laisse pourtant pas beaucoup vu le nombre d’affaires à traiter.

Et il n’a pas seulement pris le temps, il a réellement traduit les circonstances particulières de ce dossier par une proposition fort clémente.

Mon client et moi sortons ravis de la petite salle. En attendant que la seconde commence, le temps que les autres dossiers après nous passent à leur tour devant le Procureur, nous allons nous désaltérer devant la machine à café, détendus. Trop détendus.

La seconde phase commence, la juge appelle notre dossier. Même tentative d’explications : « Alors voilà, Madame la Présidente, il s’agit d’un dossier un peu particulier »… Mais la juge coupe court à mon propos. Elle me dit avoir « sa jurisprudence » (et pas du tout la même que celle proposée par le Procureur) dans ce type d’infractions, qu’elle connaît « bien », m’assure-t-elle, me faisant donc comprendre qu’il va être inutile de se répandre en plaidoirie pour tenter de l’initier. Il aurait pourtant été intéressant, non pas de l’ « initier » à cette matière, mais au moins de lui expliquer les fameuses circonstances particulières de mon affaire. Peine perdue. Je tenterai bien à de lui signaler qu’elle fait preuve de moins de souplesse que le Procureur, ce qui est un comble, mais ce dernier trait d’humour désespéré ne l’émeut guère. Refus d’homologation.

Mon client, qui pensait être tiré d’affaire à bon compte, sort évidemment désemparé, même s’il a bien compris qu’aucun manquement de ma part n’est à déplorer. Lui qui, déjà bien occupé par ses soucis de santé, souhaitait être fixé et débarrassé de cette affaire, est bon pour attendre plusieurs mois avant d’être convoqué en audience classique, destin des dossiers qui n’ont pu être homologués en CRPC.

Mais sur le principe, il n’y a rien à dire, c’est l’illustration de ce que l’aboutissement d’une CRPC suppose l’accord de pas moins de quatre personnes : le client, son avocat, le Procureur, et… le juge homologateur, qui intervient en dernier. Très souvent, il rejoint l’accord donné par les trois autres, mais parfois, non.

Echelle de ludique (1) à technique (5) : 3

Historique

  • Du risque de « trop bien » négocier en CRPC avec le Procureur
    Publié le : 21/10/2013 21 octobre oct. 10 2013
    Droit pénal
    Du risque de « trop bien » négocier en CRPC avec le Procureur
    Quand le juge homologateur rappelle qu’il n’est pas une caisse enregistreuse. On le sait, la CRPC comporte deux phases, qui rythment la demi-journée consacrée à cette procédure (ou journée, selon le tribunal concerné). Par exemple, à Bobigny, en première partie de matinée, c’est le moment...
  • Agent de sécurité en aéroport, une profession exposée au risque
    Publié le : 22/05/2013 22 mai mai 05 2013
    Droit pénal
    Agent de sécurité en aéroport, une profession exposée au risque
    Attention aux objets de valeur « oubliés » par les voyageurs : cela peut se retourner contre les agents de sécurité, et il faut parfois analyser méticuleusement les photos pour se sortir de ce traquenard. Vous connaissez tous le portique de sécurité aux aéroports, où on vous force de plus en p...
  • « l’ADN, signature du crime »
    Publié le : 16/03/2013 16 mars mars 03 2013
    Droit pénal
    « l’ADN, signature du crime »
     A propos d’une affaire de viol collectif mal élucidée Cette affaire aura été marquée par une fin d’audience conflictuelle. En effet, l’accusation n’avait visiblement pas apprécié que la défense pose beaucoup de questions à la victime. Pourtant, ce faisant, elle n’avait fait que combler les...
  • Pour le meilleur et pour le vraiment pire
    Publié le : 15/02/2013 15 février févr. 02 2013
    Droit de la famille
    Pour le meilleur et pour le vraiment pire
    Cette fois-ci, la justice a accepté d'annuler le mariage, mais il faut dire que l'épouse avait mis le paquet. Faut-il aller jusqu'au meurtre pour que les enfants du père décédé parviennent à faire annuler le mariage (hors hypothèse d'accès à la nationalité, que le procureur poursuit beaucoup p...
  • Des faibles conséquences d'une faute dans le mariage
    Publié le : 10/02/2013 10 février févr. 02 2013
    Droit de la famille
    Des faibles conséquences d'une faute dans le mariage
    En France, mieux vaut faire n'importe quoi que d'être riche. Mon titre est un résumé très succint, voire caricatural, de la situation, mais celle-ci l'était déjà elle-même, alors ne nous gênons pas : une épouse avait quitté le domicile conjugal pour aller vivre avec son amant, laissant deux je...
  • De l'harmonisation fiscale spontanée entre les grands clubs
    Publié le : 30/01/2013 30 janvier janv. 01 2013
    Droit pénal
    De l'harmonisation fiscale spontanée entre les grands clubs
    Plongée dans le méga dossiers des transferts frauduleux au PSG époque Canal + Les clubs français se sont souvent plaints de subir une fiscalité plus forte que leurs concurrents espagnols, britanniques, allemands et autres, raison pour laquelle, à n'en pas douter, la France se retrouve avec le...
  • Illustration d’un père manquant « gravement » à ses obligations
    Publié le : 10/01/2013 10 janvier janv. 01 2013
    Droit de la famille
    Illustration d’un père manquant « gravement » à ses obligations
    Où un père, après avoir franchement dérapé à l’occasion du divorce, tente en plus de demander de l’argent à ses enfants après. L’obligation alimentaire entre ascendants et descendant des art. 205 et s. du Code civil – à ne pas confondre avec la contribution à l’entretien et l’éducation des enf...
  • Le vent du boulet
    Publié le : 20/09/2012 20 septembre sept. 09 2012
    Droit pénal
    Le vent du boulet
    La définition d'un poste à responsabilité peut aussi avoir des implications pénales Quand votre fils intègre une prestigieuse école d'ingénieur française, ce n'est pas pour vivre un drame. Vous pensez qu'il va connaître ses plus belles heures. Vous le voyez arriver sur son campus, avec ses...
  • Et si notre enfant fait Harvard, qui va payer, papa ou maman ?
    Publié le : 15/05/2012 15 mai mai 05 2012
    Droit de la famille
    Et si notre enfant fait Harvard, qui va payer, papa ou maman ?
    Illustration d’un problème qui concerne de nombreux parents séparés (même si ce n’est pas souvent pour ce genre d’établissement) : le paiement des frais de scolarité. A priori, la question avait été réglée, un jugement ayant été rendu par le Juge aux affaires familiales, qui précisait explicit...
<< < ... 4 5 6 7 8 9 10 > >>