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Publié le : 16/09/2015 16 septembre sept. 09 2015

A rebours de la plupart des exemples donnés par la jurisprudence, voici un époux qui a pu prospérer sans passer à la caisse au moment du divorce, et faire sien le l'invitation de Guizot.

Il ne s'agit peut-être que d'une victoire temporaire, la cassation (Civ 1, 8 juillet 2015, n° 14-20480) étant prononcée avec renvoi. Quoique, après tout, le premier juge du fond n'avait pas octroyé de prestation compensatoire, donc rien ne dit que la Cour d'appel de renvoi décidera dans le même sens que celle qui a été cassée, l'erreur de motivation en moins.
 
C'est donc peut-être une erreur à 200.000 € que cette dernière a commise en octroyant une prestation compensatoire de ce montant sans la rédiger convenablement, mais il faut dire qu'elle est belle cette erreur. La Cour de cassation ne pouvait pas la louper. Une expression telle que :"la prestation compensatoire a quand même pour objet de corriger les injustices liées au jeu du régime séparatiste", alors qu'il est de jurisprudence qu'elle n'est précisément pas faite pour ça, c'est une peu une provocation.
 
Certes, il y a quelque chose d'injuste à ne sortir que cela du lot, car la Cour d'appel était loin de n'avoir écrit que cela. Elle avait ainsi détaillé le patrimoine immobilier de l'époux, d'un montant d'environ 1,4 millions d'euros. Elle avait également relevé l'affirmation de celui-ci selon laquelle il en avait constitué la majeure partie au cours de la vie commune (genre : je me suis fait tout seul...), puisque, enseignant au moment du mariage, il s'était lancé dans les affaires avec succès (...mais avec un petit héritage quand même pour bien commencer, car il n'y a pas de miracle non plus), et en avant malignement tiré la conclusion que "cette réussite professionnelle est sans doute liée à l'industrie du mari et son talent, mais il ne peut être fait abstraction du fait que l'épouse, qui avait une profession stable de médecin, et assurait ainsi une sécurité maternelle à sa famille, avait en partie contribué à cette promotion sociale".
 
Comme le fait remarquer un auteur (M. Brusorio-Ailaud, Lexbase Hebdo, 10 sept 2015), "c'est probablement parce qu'ils ont été empreints d'un tel sentiment que les magistrats de la cour d'appel se sont permis d'assouplir les conditions d'attribution de la prestation compensatoire. Cependant, ... il aurait peut-être été possible de parvenir à cette solution d'une autre manière", et même sûrement ! L'article 271 du Code civil invitant lui-même à considérer "les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune... pour favoriser la carrière de son conjoint", il était possible de valoriser à ce titre le fait que l'épouse avait sans cesse travaillé et ainsi permis à son conjoint de se constituer un patrimoine. Sans avoir besoin de prêter à la prestation on ne sait quel vertu de rééquilibrage du régime séparatiste.
 
Ceci dit, l'épouse avait-elle vraiment travailler toute sa vie dans le but de faciliter celle de son conjoint ? Rien ne l'établit dans les extraits de l'arrêt d'appel cités dans le pourvoi. Il est possible que l'épouse ait travaillé avant tout dans son propre intérêt (ce en quoi elle avait d'ailleurs bien raison), et au bout du compte, avec un revenu (profession et foncier additionnés) de 5.500 € par mois, et un patrimoine immobilier d'environ 400.000 €, là où l'époux n'avait pas un revenu supérieur (4.000 €), mais un patrimoine, donc, du triple. On n'était donc pas entre gens malheureux.

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