Si, si, Monsieur est capable d'avoir les enfants en week end sans les faire mourir de faim ou mettre le feu à la maison
Publié le :
12/10/2015
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Un grand classique : quand Madame essaie de convaincre le juge que Monsieur est un homme, donc inconséquent (équivalent symétrique : Monsieur essaie de convaincre le juge que Madame est une "hystérique"), en général, ça ne fonctionne pas.
"Il n'est nullement nécessaire... de satisfaire la demande de Madame Y... d'imposer à Monsieur X... de communiquer... [les] numéros de téléphone fixes de son domicile de Courbevoie et sa résidence secondaire de la Baule ou de tout autre endroit où les enfants seraient amenés à séjourner, y compris au domicile de la compagne de Monsieur X, situé à Montpellier; qu'il est en effet établi que les parents disposent d'égales qualités éducatives, même si elles ressortent de registres différents". Ce passage d'un long arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles, reproduit dans les moyens annexés (c'est son principal intérêt) de l'arrêt de rejet (Civ 1, 23 septembre 2015, n° 14-23263) est savoureux, car il reprend des thématiques auxquelles les praticiens du droit de la famille sont bien habitués.
C'est loin d'être le seul aspect intéressant de l'arrêt d'appel (qui par ailleurs accède tout de même à la demande principale de la mère), aussi fourni que la matière semblait conflictuelle, avec enquête sociale, et sans doute force conclusions et pièces de chaque côté.
L'espèce est d'ailleurs symptomatique : "Madame Y... et Monsieur X... se sont rencontrés en 2004/2005; Monsieur X... a alors une cinquantaine d'années avec cinq enfants d'un premier mariage; Madame Y..., âgée de 38 ans, n'a pas encore d'enfant. Rapidement, ils vivent ensemble et Monsieur X... accède au désir d'enfant de sa compagne, se disant heureux et épanoui par la venue au monde des jumelles en 2006. Pourtant, rapidement les relations se dégradent... Madame Y... garde le logement du couple; Monsieur X... emménage non loin de là, souhaitant alors voir mettre en place une résidence alternée". C'était bien tenté de la part du père, mais raté, une décision judiciaire fixe la résidence principale des enfants (il est vrai tout jeunes) chez la mère, avec néanmoins droits de visite et d'hébergement "élargis" du père.
Ce n'est pas fini : "A ce jour, Madame Y... prépare son installation à Lyon, dans le cadre de son nouvel emploi". Et : "Monsieur X... vit toujours dans son logement de Courbevoie, et a refait sa vie, vivant une semaine sur deux avec sa nouvelle compagne dont la résidence est fixée à Montpellier". Cela se complique de tous côtés !
Chacun va revendiquer la résidence principale des enfants (le pourvoi du père est d'ailleurs excellemment argumenté), l'enquête sociale notant que les deux parents sont chacun de leur côté parfaitement valables, et les filles complètement tiraillées entre les deux, et surtout leur conflit. Bon courage au juge; finalement, la décision prise en premier ressort, et le jeune âge des enfants, feront sans doute pencher légèrement la balance en faveur d'une résidence principale chez la mère, avec adaptation des droits du père au vu de la distance, afin de les préserver "d'une fatigue inutile qui serait générée par des voyages multiples".
La Cour est allée assez loin dans le détail, ce qui est parfois nécessaire dans les dossiers conflictuels, afin de prévenir les futures chicaneries. Il n'est pas inintéressant de noter, à titre d'exemple, qu'elle a fixé ces droits, en période scolaire, les 2è et éventuellement 5e fins de semaines de chaque mois, du vendredi "au plus tard à 20h gare de Lyon à Paris", au dimanche "19h à la gare de Lyon Part Dieu" (attention à la facétieuse confusion entre les différentes "gare de Lyon"), à charge pour Madame Y... de conduire les enfants, ou faire conduire par une personne digne de confiance, "comme par exemple le service d'accompagnement de la SNCF", suggère même la Cour; et pendant les vacances, la moitié de celles de Noël et Hiver et des grandes, la totalité de celles de Toussaint et Printemps. Exemple intéressant des solutions qui peuvent être trouvées dans un cas de ce type.
A noter que le même jour, la 1ère chambre civile a rendu un autre arrêt (n° 14-25027) , dans lequel la Cour d'appel avait cette fois sanctionné le déménagement de la mère.
L'espèce était néanmoins un peu différente. Le couple vivait ensemble depuis une dizaine d'années en Haute Savoie; plusieurs attestations faisaient état de l'harmonie qui a régné entre les conjoints durant plusieurs années; après la naissance de l'enfant sont cependant apparues, selon la mère, des divergences sur la façon de l'éduquer; puis elle a déposé plainte "en raison d'humiliations subies de la part de son compagnon", et est partie vivre à Nancy, en emmenant l'enfant avec elle. La Cour retient "qu'elle a vécu dix années avec [le père] sans invoquer de comportements malsains ou dangereux de la part de ce dernier; que les divergences éducatives ne peuvent pas légitimer une fuite dans une autre région sans aucune organisation des rencontres entre le père et le fils; que par ailleurs [elle] ne s'explique pas sur ses conditions de vie matérielles actuelles"; en conséquence, non seulement elle fixe la résidence habituelle de l'enfant chez le père, mais en plus cantonne la mère à un droit de visite médiatisé.
Toutefois la Cour d'appel de Chambéry a oublié de répondre à un argument que le juge de cassation estimait essentiel : le fait que la mère faisait valoir "que l'enfant Léon n'était même pas âgé d'un an" et "qu'elle continue de l'allaiter". En conséquence, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel, et renvoie les parties devant la Cour d'appel de Lyon, et reste donc à voir comment celle-ci jugera.
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