Rude bataille contre un artiste

Rude bataille contre un artiste

Publié le : 04/02/2010 04 février févr. 02 2010

Pas facile de demander une pension alimentaire à quelqu’un qui ne déclare rien…

L’audience de tentative de conciliation m’avait rendu fou.

Lutter contre un artiste, ce n’est peut-être pas un beau rôle, mais quand il expose dans le monde entier, et qu’il vend ses œuvres 15.000 € pièce en moyenne, on ne va pas me jouer l’air de la Bohême.

Et pourtant c’est ce fait son avocate, délayant sur son enfance malheureuse dans les rues misérables de Buenos Aires, sa venue en France grâce au statut de réfugié, son « modeste » succès dû à son seul mérite… Maradona aussi venait des quartiers pauvres, ça ne l’a pas empêché de gagner beaucoup d’argent après ! Bon, je concède à mon adversaire qu’il ne gagne pas autant, mais 1.000 € par an, ça non, ça ne vaut même pas le prix d’une seule de ses œuvres… « Il n’en vend quasiment jamais » me dit son avocate, « ça ne l’intéresse pas, il est au-dessus de ça, vous ne pouvez pas comprendre », « il est libre de ne pas vendre son œuvre, voire de la détruire ». Difficile de garder son calme.

Ce n’est pas le vieux Juge aux affaires familiales, qui n’attend plus que sa retraite, qui va m’aider à ramer à contre-courant de ces déclarations fiscales manifestement frauduleuses. « Je ne suis pas juge des impôts cher Maitre ; s’il triche, il prend ses responsabilités vis-à-vis du fisc, alors je ne peux que présumer qu’il ne triche pas, sauf à ce que m’apportiez la preuve contraire formelle ». Evidemment, je n’ai pas LA preuve contraire formelle, juste un ensemble d’indices qui, mis bout à bout, sont confondants si on veut bien prendre la peine de rédiger une motivation digne de ce nom, mais c’était trop espéré.

Le plus drôle, c’est que l’appel se fera sur une sorte de malentendu, ma cliente m’ayant révélé plus tard qu’elle avait entendu « plus de 50% de chances d’infirmation par la Cour » alors que j’avais dit le contraire.

Qu’importe, puisque nous avons interjeté appel, sérieusement amélioré il est vrai nos arguments pendant le délai d’instruction de cette procédure devant la Cour (ce qui se lit dans les motifs de son arrêt), et, finalement, obtenu une pension devant celle-ci.

Echelle de ludique (1) à technique (5) : 2

Postérité de cet article :

Finalement, cette affaire s'est terminée sur... un décès de l'époux juste avant que le juge ne puisse rendre son jugement; le divorce n'a donc jamais pu être prononcée (cf Actualité du 04/03/14). La dernière mesure concrète prise par un tribunal aura donc été finalement ce devoir de secours dont les retombées n'auront pas été négligeables, puisqu'il aura assuré pendant 4 ans un complément de revenu à ma cliente.

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